Je suis la maman d’Yseult qui aura 3 ans le mois prochain et qui est implantée depuis 18 mois.

 

 

Yseult est sourde profonde de naissance. Elle a une malformation bilatérale de la cochlée dont l’origine reste à ce jour inconnue.

 

Mon mari et moi avons eu nos premiers doutes sur l’audition d’Yseult alors qu’elle avait 6-7 mois. Elle ne répondait pas à son prénom lorsqu’on l’appelait, elle ne sursautait pas ou ne se retournait même pas lorsque le chien aboyait.

 

Toutefois, à ce stade, ce n’était que des constations. N’ayant chacun de nous, aucun cas de surdité dans nos familles respectives, nous ne pouvions envisager le pire. Nous nous disions qu’elle n’était pas pressée, qu’il fallait qu’on l’appelle plus par son prénom et non par des petits « surnoms ».

 

Cependant, au fil des semaines, il n’y avait pas d’évolution. Je me rendais bien compte qu’elle était différente des autres enfants et qu’elle avait du retard : elle ne répondait toujours pas à son prénom ou alors au bout de plusieurs minutes après avoir fait des gestes pour l’interpeller ; elle ne cherchait pas à faire de bruit avec ses jouets en les tapant les uns contre les autres, ou encore elle avait un sommeil imperturbable malgré le bruit environnant. Mais ce qui m’a le plus alerté, c’est qu’à l’âge de 8-9 mois, elle ne babillait toujours pas. Nous n’entendions le son de sa voix que lorsqu’elle pleurait ou qu’elle riait.

 

L’ensemble de ces éléments nous inquiétait beaucoup, mais d’autres venaient au contraire infirmer nos doutes et nous rassuraient. En effet, bien que calme, Yseult n’en était pas moins un bébé très joyeux, qui éclatait de rire facilement. Elle était hyper attentive à tout ce qui se passait autour d’elle et n’était absolument pas renfermée sur elle-même. Lorsque je lui donnais le biberon et que je lui parlais, elle tournait aussitôt le regard vers moi, lorsque je lui chantais les marionnettes, elle bougeait les mains, ou encore lorsqu’on testait son audition avec des jouets sonores, elle pouvait parfois se retourner très rapidement.

 

Lors de la visite du 9e mois, j’ai parlé de mes doutes à mon pédiatre qui m’a envoyé vers le Dr Khoury pour un bilan ORL. Ce dernier a réalisé un audiogramme qui, bien entendu, n’était pas normal. Mais c’était trop tôt pour se prononcer. Le temps de faire des examens complémentaires, le diagnostic définitif de surdité profonde a été posé à l’âge de 11 mois.

 

 

Naturellement, nous étions effondrés par l’annonce de cette nouvelle. Nous étions confrontés à un handicap et un monde que nous ne connaissions absolument pas. Nous nous sommes alors dit qu’Yseult ne parlerait jamais, qu’elle ne pourrait pas faire d’études et qu’elle allait être coupée du monde des entendants à savoir de notre monde.

 

Puis, nous avons immédiatement repris espoir lorsque le Dr Beucher nous a parlé de l’implant cochléaire. Il nous a prévenu que ça ne transformait pas les enfants sourds en enfants entendants mais que les résultats étaient très satisfaisants.

 

Et il a eu cette phrase très réconfortante : « l’avenir d’Yseult, je ne peux pas vous dire comment il sera, mais vous savez, on ne peut le dire d’aucun enfant, même doué de toutes ses facultés sensorielles. » Cela signifie que si rien n’est jamais gagné d’avance rien n’est jamais non plus perdu d’avance !

Nous avons donc décidé de tout mettre en œuvre pour permettre à Yseult d’apprendre à parler, de faire des études et au final d’avoir une vie la plus normale possible malgré son handicap. Et l’implant représentait donc pour nous un formidable moyen d’y arriver et de sortir Yseult du monde du silence dans lequel elle était enfermé.

 

Nous avons donc opté de suite et sans la moindre hésitation pour la solution de l’implant, auquel nous avons tout de suite cru.

 

Nous n’avons jamais voulu cultiver la surdité d’Yseult, mais toujours cherché à compenser son handicap, c’est pour cela que nous avons refusé qu’elle ait de un enseignement en LSF, ce qui a parfois été considéré par certaines personnes comme une négation de son identité de sourde.

 

Yseult a été implantée le jour de ses 18 mois. L’intervention s’est très bien déroulée malgré les craintes initiales liées à sa malformation.

 

Tout de suite Yseult a très bien supporté son implant qu’elle a porté depuis le départ toute la journée. Aujourd’hui, elle le réclame le matin.

 

 

Le bilan de ces 18 mois d’implantation : le premier mot qui me vient c’est, formidable !

 

Yseult entend, Yseult parle.

 

Il est aujourd’hui difficile de quantifier tous les mots qu’elle connaît. Certes, elle déforme les mots, mais comme un enfant qui commence à parler. Elle suit les mêmes étapes de l’apprentissage du langage qu’un enfant entendant mais avec un décalage.

 

Après son implantation, Yseult a tout d’abord commencé par réagir aux bruits, puis répondre à son prénom. Au bout de 5-6 mois, elle disait papa maman et babillait à longueur de journée.

 

Les progrès sont vraiment perceptibles depuis le mois de septembre où elle a commencé à dire ses premiers mots et à répéter.

 

Maintenant, elle apprend chaque semaine de nouveaux mots, elle se nomme, elle nous appelle et commence à juxtaposer plusieurs mots, car elle ne fait pas encore de phrases, c’est la prochaine grande étape.

 

Pour l’aider, nous utilisons à la fois des signes (soit issus de la LSF, soit dans la majorité des cas inventés) mais de moins en moins au fur et à mesure que sa compréhension orale s’améliore, soit le code LPC, je m’y mets progressivement.

 

Si l’implant cochléaire est formidable, ce n’est pas pour autant miraculeux. Yseult n’est pas devenue entendante. Elle a encore beaucoup de retard par rapport aux enfants de son âge et lorsqu’elle se retrouve avec beaucoup d’enfants, elle parle peu, elle est en retrait et est beaucoup plus dans l’observation.

 

Par ailleurs, si on veut obtenir des résultats, il faut s’en donner les moyens. La rééducation auditive nécessite beaucoup de disponibilité, et de patience. Il faut répéter et répéter, commenter tout ce que l’on fait, prendre le temps de bien expliquer afin d’éviter les situations d’incompréhension et les colères qui vont avec.

 

A ce titre, la première année post implantation n’a pas été une année facile, car on a dû faire face à de très nombreuses colères d’Yseult, parfois violentes. Il y avait beaucoup de frustrations des deux côtés, d’une part Yseult qui ne comprenait pas et de notre côté, un sentiment d’impuissance puisque nous ne réussissions pas toujours à lui expliquer ce que nous voulions et nous étions donc contraints de lui imposer de force les situations. Mais au fur et à mesure que la compréhension orale s’améliore, ce genre de difficultés s’estompe et nous sommes maintenant beaucoup plus dans le dialogue, la négociation.

 

 

En conclusion, tous ces efforts valent incontestablement la peine d’être faits. Les progrès d’Yseult nous étonnent chaque jour. Bien entendu, nous avons encore des inquiétudes et nous serons rassurés lorsqu’Yseult parlera couramment mais nous sommes confiants.

Nous ne regrettons pas un seul instant le choix que nous avons fait pour notre petite fille. Bien au contraire, nous nous disons souvent que dans son malheur, Yseult a eu de la chance de naître à cette époque.