"J’ai démarré la vie par un manque d’oxygénation qui a détérioré des cellules entraînant une perte d’audition."

Une nouvelle vie depuis 2004.

J’ai démarré la vie par un manque d’oxygénation qui a détérioré des cellules entraînant une perte d’audition.

En CP la maîtresse a constaté que j’étais trop attentive pour une enfant de cet âge. Dès qu’elle avait le dos tourné, je ne comprenais pas. Elle a recommandé la consultation d’un ORL. Il fut diagnostiqué une surdité bilatérale profonde à laquelle aucun appareil auditif ne pourrait remédier. Mes parents, ont minimisé ce diagnostic pensant surtout que j’étais inattentive.

J’ai poursuivi ma scolarité avec tous mes sens en éveil. Les yeux remplaçaient les oreilles. Une ombre me disait que quelqu’un pouvait être derrière et me parler. J’étais toujours à l’ affût d’un geste et du mouvement des lèvres de mes interlocuteurs. Je n’étais pas dans le silence total, et percevais quelques sons mais je n’avais pas l’audition nécessaire pour saisir un mot complet. Les livres m’ont beaucoup aidée. Je saisissais sur le tableau l’intitulé de la leçon, et me rendais rapidement aux pages correspondantes. Ainsi entre l’explication du prof et le complément écrit j’arrivais à m’en sortir. Pour les dictées, j’avais les yeux rivés sur l’enseignant au risque de me retourner sans cesse pendant les épreuves.

J’ai vite compris ma différence sur les cours de recréation. Car simuler ne marche pas à chaque fois. Il arrive de se planter. Et lorsque que tu es à côté de la plaque et que tu vois tout le monde rire, tu préfères te taire.

Le plus difficile fut en 4ème où j’ai vraiment craqué devant tant d’incompréhension. On m’a fait redoubler parce que le prof de math dictait l’algèbre. Les notes ont dégringolé. La confiance a disparu. J’étais devenue la mauvaise élève…. L’élève inattentive qui soit disant n’en n’avait rien à faire. Or, Seule je savais les efforts que je fournissais. Même en anglais, j’ai compris que c’était phonétique. La prof faisait des signes avec sa bouche et sa gorge. Et je simulais. Cela passait ou cassait. Un sentiment de culpabilité s’installait, suis-je vraiment malentendante ou bête ? A cette période, au CHU de NANTES, une multitude de tests confirmait que j’étais quasiment sourde. Mais que de nouveau il n’y avait aucune solution.

Lorsqu’est venue la période d’orientation, quelle galère ! Je voulais passer mon bac pour entamer des études de lettres ou philo. L’écrit a toujours été ma passion, mon réconfort. Grâce aux livres, j’ai appris et vécu normalement. Grâce à l’écrit, j’ai évité de craquer de nombreuses fois durant mon enfance et mon adolescence. Les mots étaient les seuls moyens de transmission, de communication.

On m’a dit que je n’étais pas capable d’entamer d’études supérieures et qu’on ne savait même pas si j’étais capable d’obtenir un CAP voire un BEP. Je n’ai rien contre ces diplômes, bien au contraire, mais je savais profondément ce qui me convenait. J’étais dans une colère noire devant tant d’humiliations. Mes parents m’ont inscrite contre le gré des enseignants en BEP. Et là, on m’a dit que ce n’était pas ma place. J’aurais dû faire seconde. Et comble de rigolade, comme j’étais bonne en français, j’ai passé un bep sténo dactylo. La sténo consiste à prendre en 80 et 120 mots minutes les dictées des patrons. Vous imaginez mes cours de sténo, rivées aux lèvres du dictant.

Puis j’ai préparé une capacité en droit par correspondance mais là encore, quand il fallait aller à la fac je ne comprenais plus.

Il fallait quand même travailler pour vivre en toute indépendance . Mais quand vous êtes secrétaire et que vous dites ne pas pouvoir répondre au téléphone, vous êtes déclassé.

J’ai enfin trouvé un poste sur concours. Et là je me suis épanouie.

En 2003, je suis allée consulter un ORL qui m’a parlé de l’implant cochléaire. Puisqu’enfin une solution se présentait, je la prendrais. Je me suis renseignée sur divers sites pour en connaître les avantages et inconvénients mais je savais au fond de moi-même que c’était oui.

J’ai été opérée en février 2004 à la surprise de beaucoup de personnes qui y compris mes parents et voisins pensaient que je prenais énormément de risques pour une opération de confort.

1er branchement le 19 mars 2004, premières surprises, premières colères au moment où j’ai réalisé à 37 ans passés qu’en fait j’étais sourde. Cette surdité gommée et transférée en tabou ma vie durant. J’ai entendu ma voix pour la première fois et ne la supportais pas. Je ne voulais plus parler mais prenais beaucoup de plaisir à écouter les autres.

Puis sont venus l’émerveillement du bruit des oiseaux, du frémissement des feuilles, des voix de mon mari, de mes filles. Lorsque je bougeais ma chaise, je répondais « entrez » pensant que quelqu’un frappait à la porte. Le bruit des cloches, que j’avais toujours cru entendre, le tonnerre.

Je suis gênée aujourd’hui de comprendre beaucoup de conversations à l’insu des personnes intéressées. Dans les voitures, dans le train au restaurant, j’évite de les regarder car je comprends très vite ce qu’elles disent. Il m’arrive beaucoup moins d’avoir l’impression de passer pour une imbécile faute d’avoir compris. Et puis j’ose enfin dire que je suis malentendante.

Aujourd’hui, je suis heureuse. Une nouvelle Catherine est née. Je ne regrette en rien les souffrances du passé qui m’ont aidée à construire l’avenir et à savourer ces plaisirs nouveaux d’entendre. La négation de la surdité m’a permis de me battre, et de vivre en société comme tout le monde. Lorsque je n’ai pas l’implant, j’ai l’impression d’être à l’étranger et d’avoir parfois besoin d’un interprète.

Implantée du coté gauche fin février 2004, j'ai vécu une renaissance. Tout allait très bien, les résultats étaient spectaculaires.

Soudain en septembre 2006, j'ai ressenti une violente déchirure du côté implanté.

Je précise que l'implantation m'avait été très douloureuse et qu'une sensibilité perdurait du côté opéré.
Aussi après cette déchirure, j'ai ressenti des résonances, je n'osais plus parler. Ma voix me renvoyait un écho très bruyant. J'entendais si fort que j'étais agressée. Je ne comprenais plus ce que l'on me disait. D'un instant à l'autre, je passais d'un son violent inintelligible à une rupture totale du bruit. En décembre, je ne comprenais plus que par lecture labiale.
Tous les mois, voire plusieurs fois par mois, le CHU me conviait à des tests. L'inquiétude se lisait de part et d'autre aussi bien des médecins que de  NEURELEC. Les différents tests démontraient qu'il n'était plus possible de faire de réglage. C'était totalement chaotique.

Après avoir tout essayé, fut prise la décision de réimplanter le côté gauche défectueux et en secours d'implanter l'oreille droite. Le 1er juin au réveil, le  médecin m'informait que la partie interne implantée fonctionnait bien à l'extérieur de ma tête.
Au 1er réglage, en juillet, la nouvelle oreille se mettait en route mais l'oreille gauche donnait les mêmes résultats qu'avant l'opération.

Surprise, en octobre, l'oreille gauche s'est remise à fonctionner. Depuis, parfois ça marche bien parfois moins. Néanmoins pour avoir vécu deux  opérations, je peux dire que je n'ai pas souffert du côté droit alors que vraiment j'ai été très marquée par la douleur lors de la première intervention.
Actuellement, réside une sensibilité du coté gauche. Le médecin pense que le nerf auditif est atteint.
Peut-être, a-t-on trop tiré sur la corde ?
Je suis heureuse d'entendre mais l'expérience m'apprend que rien ne devient définitif. Si je devais reperdre l'audition, je me réadapterai. On peut vivre sans entendre !

Catherine