"Il est très probable que ma surdité a commencé à la petite enfance et qu'elle a été évolutive"

Historique

Décision

Implantation

Bilan à 6 mois

L'épreuve

Le cap des 3 ans

 

J'ai été implantée la veille de mes 43 ans. Je suis alors mariée depuis 15 ans et mère de 3 enfants, bien entendants.

Aujourd’hui implantée et radieuse de tout entendre,

Je remercie mon cousin Michel Goin, chirurgien-ORL, de m’avoir encouragé vers l’implant cochléaire..

Je remercie le collège des ingénieurs et leur science.

Je remercie le doigté et le savoir de ces magiciens à qui nous confions nos oreilles déficientes. Je remercie le Professeur Meyer et toute son équipe. Je remercie Claude Fugain avec qui j'ai partagé des moments intenses. J’espère que ce témoignage leurs fera chaud au cœur et les encouragera à aller encore plus de l’avant avec leur grand professionnalisme.

Je remercie ma famille du forum et tous les autres que je ne cite pas.

Je remercie ma maman qui est restée à mes côtés à Paris, malgré son âge et mon père qui s’est occupé des enfants pendant mon absence à Paris, ainsi que toute ma famille.

 

A. HISTORIQUE SUR L’ANCIENNETÉ DE LA SURDITÉ

 

Aussi surprenant que ça puisse paraître, ma surdité est passée inaperçue jusqu’à l’âge de 15 ans,

 

J'ai beaucoup de mal à dater le début de ma surdité.

A l'age de 15 ans, lors d'une visite scolaire, le médecin me découvre une hypoacousie, bilatérale. L'ORL consulté ne veut pas faire d'audiogramme et demande seulement à mes parents de" mieux articuler".

L'année d'après, lors d'une grippe, le médecin remarque que je ne l'entends pas et m'oriente vers un autre ORL. Cette fois-ci, un audiogramme est pratiqué, révélant une surdité bilatérale commençant à être sévère. Par le test du diapason, j'apprends que l'atteinte se porte sur les oreilles internes. Aucune opération n'est envisageable et je me retrouve avec deux contours d'oreille. Quelle claque pour moi et  pour mes parents qui ressentent alors un sentiment de culpabilité de ne pas avoir été plus vigilants ! Reste à faire la visite chez l'orthophoniste.

 

Là, nouvelle surprise! L'orthophoniste ne peut rien de plus, pour moi car la lecture labiale est déjà parfaitement acquise!

 

Je me rends compte alors que la lecture labiale ne fait pas partie du langage du monde comme je le croyais jusqu'alors.

A 15 ans, en colonie à l’île d’Yeu.

Il est très probable que ma surdité a commencé à la petite enfance et qu'elle a été évolutive.

Jamais depuis tout bébé, je me suis réveillée la nuit ! Sans doute,  les bruits ne me réveillaient pas parce que je ne les percevais pas suffisamment pour me perturber…..

Mais étant d’une famille de bien entendants, personne ne se doute de rien, ni la famille, ni le personnel médical. La pédiatre ne fait aucun test d’audition.

A trois ans, je chante les chansons enfantines, juste. Je parle normalement, sans déformer les mots.

J’apprends à lire de bonne heure, dès la maternelle.

Mais, dès le CE1, l'institutrice s'inquiète que je ne la quitte pas des yeux. Étant toujours en tête de classe, tout passe inaperçu, sauf, déjà, un manque très sérieux d'équilibre en sport.

Au collège, la compréhension des cours devient plus difficile, du fait du nombre d'intervenants. Je me mets alors, à travailler de façon acharnée, recopiant chez moi, systématiquement tous les cours et je demande à  mes copines de classe de me passer les leurs. Je redouble ma cinquième.

Je ne regarde alors la TV que lors du cinéma de minuit car en VO et sous-titré, ou quand mes parents sont absents car je peux alors augmenter le son, mais je ne comprends pas vraiment les dialogues.

Au lycée, les contours d'oreille me permettent d'avoir mon bac, après un premier échec. A aucun moment, on ne tient compte de mon handicap.

Depuis longtemps, la compréhension de la parole humaine est inexistante sans la lecture labiale. A l'adolescence, je comprends très mal au téléphone. A 18 ans, j'y renonce. En 1983, je ne comprends plus les yeux fermés.

 

 

Une  galère mal vécue, pour ne pas arriver à valider un diplôme.

Je renonce d'emblée, au métier qui m'attire : institutrice,  car trop malentendante. Je m'oriente vers le métier d'infirmière. Pour préparer le concours d'entrée, je valide un an en fac

de psycho.

Je suis reçue en première année d'infirmière. L'année est validée à condition de quitter l'école car ma surdité peut nuire aux patients ! Mais, aucun problème, on me donne le diplôme d'aide-soignante ! L'année suivante, j'ai le concours d'entrée à l'école d'assistante sociale.

Là, suivent trois années validées mais pas  d'obtention du diplôme, toujours pour cause de surdité. Je refais une année dans une autre école d'assistante de service social, et patatras, même scénario.

Désabusée et m'étant déjà beaucoup investie, je renonce à toute carrière professionnelle.

 

Aggravation par un  accident de voiture et des grossesses successives.

En 1985, un accident de voiture aggrave ma surdité à gauche.

Les deux dernières grossesses amplifient le problème des deux côtés.

 

B. LA PRISE DE DECISION.

 

1982 :

Un ORL m'annonce qu'un jour, je serai implantable, mais qu'il faut attendre au moins 10 ans.

 

Janvier 2003 : je contacte mon audioprothésiste.

Il m'annonce que l'on peut maintenant changer mes contours, car de nouveaux numériques sont maintenant, au point pour mon taux de surdité très profonde.

Je suis décidée à changer car ils ne m'apportent plus que la vigilance dans la rue. Je me replie beaucoup sur moi-même. Je souffre pour le suivi des devoirs de ma fille au CP : je corrige des erreurs imaginaires. Je n'entends rien : lecture, récitation, etc !  A la fin de la journée, je suis exténuée par la lecture labiale. Je me réfugie devant mon télétexte voulant me couper du reste du monde, ce monde qui me dérange sans cesse. Je "débranche". Je commence à être à bout.

Depuis 27 ans que je porte des embouts, ils me provoquent maintenant de l'eczéma et je ne les endure plus. Je me tourne aussi, vers l'autre solution.

 

Je prends rendez-vous avec le professeur Meyer pour faire le point, sur l’insistance appuyée de mon cousin ORL Michel :

Une question me hante  suis-je devenue implantable et est- ce raisonnable ?

Je ressens un risque de tout perdre et je crains pour le suivi de  mes enfants : les devoirs, leur éducation etc… car mon mari travaille très tard….

 

Catherine Daoud, présidente de l’association CISIC, que mon mari contacte par téléphone, m'indique le site Internet.

C’est à cette époque que nous installons Internet sur l’ ordinateur familial alors qu’avant nous n’en comprenions pas l’utilité

Les témoignages m'ont profondément émue et surprise. Mais, je suis étonnée de voir aucun échec, ce qui me rend quand même, sceptique et tous les témoignages sont tout de même, récents.

 

Je me présente chez un ORL local pour faire l'audiogramme tonal et vocal demandé pour la visite.

Une discussion s'en suit où, il me dit que le rendez-vous avec le professeur Meyer est complètement inutile. Il affirme que l’implant n’est pas pour moi car je ne suis pas assez sourde !!!!! J’aurai bien voulu l’y voir lui avec mes oreilles et mes Acas qui selon lui m’apportaient un résultat tout à fait satisfaisant !!!!! Je ressors avec une ordonnance que je n'avais pas demandée, pour des prothèses auditives numériques !!I Je ne lui ai toujours pas pardonné son attitude et surtout sa condescendance.

J’en ressors  très désemparée  et je sais que dorénavant, j’irai à Paris à reculons.

Je suis prête à annuler toute la suite.

Mon mari perplexe et embêté,  téléphone à notre cousin Michel, qui nous dit que la décision nous appartient mais que lui tenterait le coup quand même à notre place.

 

L'IRM est insupportable et c'est là, mon seul mauvais souvenir.

Les vibrations sont pour moi, qui suis sourde, interminables. Aucun problème avec le scanner.

 

 

02.04.2003 : Je vais au rendez-vous du professeur Meyer.

Je suis  coincée, tiraillée, partagée entre la crainte de ne pas être implantable et celle d'un échec de l'implantation. Puis-je tout perdre ! Mais au fond de moi, j'ai tout de même l'espoir de la réussite. Un bon rhume n'arrange rien !

Je m'assois dans le couloir, dans l'attente de voir passer un de ces  "extra-terrestres" implantés.

On me fait signe que  je suis appelée.

Le professeur d'une grande gentillesse, réussit à trouver les mots pour me convaincre que je n'ai pas vraiment le choix, si je veux m'en sortir. Mes oreilles ne sont plus fonctionnelles. Mes prothèses auditives ne me sont pratiquement plus d'aucune aide. Il va me mettre une "nouvelle oreille" et je vais "renaître". Au pire des cas, les résultats seront satisfaisants et l'évolution plus ou moins rapide mais positive. Il me montre des implants et je suis surprise de constater que l'extérieur ressemble finalement qu'à un contour d'oreille et que la partie interne est très fine.

 

Je fais ce jour- là, la connaissance de Catherine et de Jean-Jacques, encore en rééducation : le début d’une grande amitié.

Leurs  résultats sont enthousiasmants et je peux enfin concrétiser l’apport de l’implant cochléaire. Mais je reste quand même prostrée car je ne peux suivre la conversation qu’ils ont avec mon mari.

Voyant qu’ils conversent avec aisance, je me rends compte ce jour-là combien la surdité m’a exclue de la société, alors que j’étais persuadée, jusqu’à maintenant, de plutôt bien m’en sortir avec mon handicap.

 

De retour à la maison, ma mère très anxieuse, envisage le pire : tout perdre !!!

Mon père n’est pas du tout, d’accord pour que je me fasse implanter

 

Ma mère me dit : " -On  ne peut tout de même pas croire au miracle !". - "c'est tout de même, une opération destructrice !".

 

Pour la convaincre et nous rassurer tous,  mon mari contacte alors  par téléphone, Eric Pallé, nouvellement implanté à Saint-Antoine( depuis 2 mois ) et habitant notre région.

Il comprend mon mari au téléphone qui en est très étonné et on se fixe un rendez-vous.

Mon mari et mes parents m’accompagnent. Le rendez-vous  a lieu dans une cafétéria bruyante. Il comprend  tout, à l'aise dans la discussion et se met à téléphoner devant nous, médusés, avec son portable.

Corinne, sa femme,  nous communique son enthousiasme. Elle  articule bien pour bien que je la comprenne et nous dit qu’elle a l’impression que son mari n’entend apparemment pas trop différemment d’elle. Le son serait naturel….

Nous sommes tous, littéralement emballés, la fleur au fusil.

 

L'audioprothésiste presque un ami, que je  contacte à nouveau, m'encourage à l'implantation.

 

 

Je m'inscris au forum de discussion «  implant cochléaire », découvre ma nouvelle famille et je me renseigne du parcours de chacun.

Le forum m’est d’une grande aide pour me préparer. Mes questions y trouvent rapidement une réponse et des liens d’amitiés durables se nouent.

 

 

C. L’IMPLANTATION.

 

 

L'opération est décidée pour le 17.06, la veille de mon anniversaire et pour une nouvelle naissance !

Grosse déprime terrifiante, une semaine avant l'opération. C'est si proche et si loin !  Je vais quitter ma petite fille et si la rééducation était longue !

A chaque sortie d'école, mamans et instituteurs m'encouragent. Je suis la vedette. Toute la commune semble me soutenir !

Nous partons à 3 à Paris. Ma mère m’accompagne et elle est très angoissée de se retrouver dans Paris, pour un temps indéterminé, que l’on pense plutôt long.

 

Jour J-1: je pars pour Paris, très confiante, remontée à bloc par le forum, ravie d'avoir à en découdre.

Le soir, la visite du professeur dans ma chambre me rassure.

à 19 heures, dans ma chambre à Saint Antoine, la veille de l’opération. Mon mari doit s’en aller.

 

 

L'opération.

Elle  s'est déroulée comme sur des roulettes. Le bandage me serre beaucoup la tête mais, je n'ai pas de nausées, ni de vertiges.

 

Le lendemain, je me promène dans le couloir. Au bout de 48 h, le bandage est remplacé par une résille, mise en place pour quelques jours: gros soulagement. Les agrafes sont retirées au bout de 10 jours.

Je porte mon ACA de l'autre coté, sur le conseil de l’interne pour préserver les restes auditifs de mon oreille gauche.

 

Le premier test.

Il  a lieu le 23.06.

J'entends d' abord, les bips-bips, très nets puis, on me fait écouter la voix humaine, que je perçois tout d'abord, comme des pépiements d'oiseaux. Je perçois tout de même, une ou deux syllabes.

 

Le deuxième test.

Il a lieu  le 24.06.

Je commence à comprendre certains mots courts mais, désynchronisés avec la lecture labiale.

 

Le troisième test.

Il a lieu le 25.06.

Le professeur Meyer rentre dans la salle de réglage. Claude Fugain, la médecin ORL et phoniatre qui règle l’implant se tourne vers lui pour lui dire ce qu’elle a fait. Elle lui dit des chiffres concernant la mise au point de mon implant.

Machinalement, je les répète. J’ai juste pour les chiffres  80 et 85 mais je  fais une erreur pour  90  car j’ai compris 86 !  Là-dessus, le professeur Meyer me reprend et lève le pouce pour me dire que c’est déjà très bien. Je ne réalise pas encore que ça va être une super réussite. Mais, j’ai su plus tard que  Claude Fugain et le professeur Meyer le soupçonnaient déjà.

 

A la sortie,  je suis autorisée à garder 2 heures, mon contour.

En entrant dans ma chambre pour prendre mon déjeuner, j'écoute l'eau du robinet, couler dans le lavabo. Puis, j'entends le grincement de la porte de la salle de bain, en la refermant. Puis, c'est le bruit de la petite cuillère raclant le fond du pot de yaourt. Au moment de poser la télécommande de la télé sur la table, je sursaute à son impact sur la table. Je découvre ensuite, que la clé tournant dans la serrure de mon armoire, fait du bruit. Poussée par ma curiosité grandissante, j'allume ma télé mais les voix sont pratiquement incompréhensibles, sauf certaines syllabes, les sonorisations:bruits de pas, porte qui s'ouvre et la musique. A mon grand regret,  je dois arrêter l'expérience pour rendre le contour.

 

Retour à la maison.

Le 28.06, je rentre 4 jours à la maison pour tester l'implant.

Les bruits de la rue ne sont pas trop forts contrairement à mes anciennes aides auditives (acas ) ce qui me surprend.

J'attendais à être agressée par le brouhaha environnant dans Paris, mais je ne le suis pas du tout.

A la sortie du train, dans la voiture, je comprends certains mots que l'on me dit dans mon dos. J'écoute le bruit de la mobylette qui attend au feu, à coté de nous. J'entends le bruit du ventilateur de la climatisation.

Ma  petite famille qui est venue me chercher est toute étonnée et ravie.

A la descente de voiture, je suis surprise que mes pas fassent du bruit.

J'entends le soir les bruits des grillons, les oiseaux qui piaillent...

Les jours suivants, je n’entends rien. Je ne comprends pas. Devant l’enthousiasme du premier jour de ma famille,, je ne dis rien pour ne pas les décevoir.

Et puis je comprends au bout de deux jours, qu’en fait, je me trompe : j’allume le processeur la nuit quand je le quitte et je le coupe la journée !!!

J’enrage d’avoir perdu du temps en vu du prochain réglage.

Dans le train pour retourner en réglage à Paris, je me suis hyper concentrée sur les conversations environnantes, surtout 2 dames très bavardes, pour rattraper mon retard.

Je n’en pipe pas mot à Claude…..Je ne suis pas fière du tout.

 

Première impression en réunion.

Le 2.07, Claude m'améliore mes réglages.

Puis,  je vais au foyer où je suis hébergée. L'après-midi,   une réunion est organisée (comme chaque semaine) pour que les résidents fassent connaissance. Il y a une dizaine de personnes que je ne connais pas et nous parlons à bâtons rompus pendant 2h30. Je comprends la plus grande partie de la conversation. Il me manque juste un mot de temps en temps quand je tourne la tête vers la personne qui parle, mais avec le contexte, je peux boucher les trous. Je ferme même les yeux à un moment pour m'assurer que je comprends sans lecture labiale.

Je comprends la voix humaine et l'implant a déjà commencé à changer ma vie. Je suis montée sur ressorts.

 

La première séance de rééducation.

Elle a lieu le 4. 07 chez Claude.

C'est un moment intense.

Je suis très angoissée de commencer à chercher à comprendre sans lecture labiale, car j’ai le sentiment de ne l’avoir jamais fait auparavant, même petite.

Elle sait me détendre, en me disant ; «  -MP, je vais vous lire 2 listes de mots. Vous allez répéter ce que vous comprenez. Au début, vous n’allez pas comprendre grand-chose ou même rien du tout. C’est normal ! » ;

Je me suis sentie  libérée, puisque que ça allait être normal si je ne comprenais rien, au début.

Je ne réalise pas  mais je répète exactement les mots  sans la regarder.

Ma mère qui assiste  à la séance dans son coin, m’a dit : - «  j’ai eu l’impression que tu avais la liste des mots et des phrases sous les yeux et que tu les lisais,  tellement tes réponses étaient du tac au tac. »

Je fais juste une confusion sur la première liste et lui fait répéter trois fois un mot de la deuxième liste. Si bien, qu'elle enchaîne avec des phrases courtes et là, 100 pour 100 de réussite !  Elle décide donc, de compliquer ses phrases et je comprends tout !!!  Ca va vite. Ca défile….

Mais je ne réalise encore pas du tout que j’ai un résultat formidable. J’en suis au stade de répéter en me concentrant, sans réfléchir.

A la fin de la séance, Claude après avoir fini son travail,  me révèle que c’est je suis un cas rare de compréhension immédiate.

Ma mère et moi avons les larmes aux yeux et Claude est aussi, très émue.

Claude se met à me tutoyer. Le lien créé est très fort.

Je pense alors, en moi-même que c'est injuste, vis à  vis de certains pour qui l'apprentissage est très long, comme la personne que je viens juste de rencontrer dans la salle d'attente.

A la sortie, dans la rue, ma mère téléphone à mon mari et à mon père pour leur dire la nouvelle,  mais elle est presque sans voix : elle aussi vivait mal ma surdité !

Il fait très chaud et on va fêter ça toutes les deux avec ma mère, boire un cocktail de thé glacé chez  « Mariage Frères ».

Depuis, je m’approvisionne  en thé, exclusivement chez eux !

En revenant à mon hébergement dans Paris,  je perçois les freins du métro et le signal de fermeture des portes que je n'ai jamais entendu avant bien que très forts.

J'écoute le bruissement des ailes des moineaux qui tournent autour de moi dans la cafétéria de la gare de Lyon ( un endroit bruyant).

 

Retour attendu à la maison.

Chez moi à la campagne, je détecte d'où les chants d'oiseaux proviennent.

Mon mari est tout surpris de constater que je comprends, même quand il parle dans mon dos.

Je décide de ne plus porter mon ACA à l'autre oreille pour faciliter ma rééducation.

 

Dimanche à la maison, un jour merveilleux : compréhension immédiate au téléphone et première découverte musicale.

Le 10.7 : un jour intense.

En se levant ma mère me dit : "c'est merveilleux ! Mais pour moi, ça sera vraiment un MIRACLE, quand tu entendras au téléphone. Que tu puisses un jour, entendre au téléphone, ça me parait tellement extraordinaire car tu n’as jamais compris au téléphone !

Mais je pense en moi-même, que ce n’est pas du tout la priorité et que je peux très bien m’en passer

Et puis, ma belle-soeur appelle peu après, pour avoir de mes nouvelles. On demande le silence autour de moi. On met l'amplificateur externe du téléphone au maximum. Mon mari me dit: " allez, essayes !".

J'essaye de vaincre un blocage ancestral. On m’amène une chaise.

 

_"Allo, tu m'entends ? !".

10 secondes de silence, un peu comme Houston attend d'entendre Amstrong dire qu'il vient de poser le pied sur la lune. « Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’h…. »)

_"Oui, je t'entends"

_"C'est formidable !"

_"C'est formidable, c'est ça ???

Je ne suis pas sûre de moi. Je ne peux pas croire que je puisse comprendre quelque chose au téléphone.

Et mon mari à coté, de me dire: "oui, c'est ça !", en poussant un cri de sioux.

Et ma mère, qui verse alors une larme... de bonheur !.

Et la conversation se poursuit, moi répétant tout ce que j'entends  pour que l'on me confirme que c'est juste.

Il s’agit de comprendre un trajet pour aller voir ses parents quand je retournerai sur Paris. Je comprends le mot square, la description de l’église à l’angle,  la description précise de l’immeuble….

Ma belle-soeur au bout du fil, a  de plus en plus, la voix cassée par l'émotion. TOUT ETAIT JUSTE !

Au bout de quelques minutes, j’étiquette cette voix comme étant celle de ma belle-sœur. Maintenant, quand je l’ai au bout du fil, je sais que c’est cette voix-là qui est la sienne.

 

L'après-midi, je vais à un concert où joue mon cadet. Je détermine bien les familles d'instruments et je suis émerveillée par la voix d'une cantatrice.

A la sortie, je comprends mes interlocuteurs dans le brouhaha et je m’empresse de raconter mon histoire, aux gens qui me connaissent sourde.

 

 

Nouveau réglage

Il a lieu le 22.07.

Il me procure plus d'amplitude et plus de puissance.

Je commence à très bien comprendre le journal télévisé et certaines émissions à bonne diction. Pour la radio, c'est déjà presque parfait ! Je comprends tout au téléphone, même les voix qui me sont étrangères. Je donne une identité à chaque voix qui est  nouvelle.

Mon mari me demande quelle chanson, j’aimerais entendre. Je n’ai jamais très bien entendu, la chanson de Pierre Bachelet, « les corons » et je  ne connais pas le texte par cœur, juste le refrain.

Le lendemain, c’est la surprise : il met le cd dans la voiture. Je suis à l’arrière. Je découvre les couplets au fur et à mesure de la chanson.

Je suis particulièrement émue quand il dit dans sa chanson : « chaque verre de vin est un diamant rouge posé sur fond de silicose ». Il a su exactement décrire la vie des mineurs.

Je comprends malgré le bruit de la voiture.

Je pleure.  Les enfants aussi sont émus.

 

Départ en vacances

Début Août. Ce sont  les vacances.

Je suis boulimique de musique. Je comprends  les paroles de chansons très connues dont je connaissais autrefois,  un peu l'air mais surtout, les paroles  que j’apprenais en colonie de vacances.

Pour les nouvelles chansons, c'est plus difficile. J'arrive à comprendre en les entendant plusieurs fois. Je suis gênée par les percussions, quand elles sont trop fortes car elles brouillent la parole.

J’exige de mon mari de faire des magasins de CDs  musicaux . Je n’y avais jamais mis les pieds auparavant !! Moi, c’était plutôt les bouquins.

Pour aller à la plage, je laisse mon contour à la maison par précaution. J'essaye de remettre mon ancien Aca de l'autre coté pour ne pas rester dans le silence.

Je pense d’abord qu’il est en panne car j’ai l’impression de ne rien entendre avec. Mais non !  Il  me donne même la migraine car mon cerveau le refuse

C’est décidé : je ne le remettrai plus. J’ai quand même mauvaise conscience, car j’ai peur de perdre l’audition de cette oreille.

Marc  Le Roy me rassure à ce sujet.

 

 

Première compréhension au portable.

Le 16.08: pour la première fois, j'entends enfin, avec mon portable.

Jusqu'à maintenant, je n'en percevais que des bruits de fond, mais je m'aperçois que je le mettais trop près du contour : au rebut, les textos, pour

l'instant!

Je comprends tout à la télé, sauf en présence de gros bruits de fond.

 

Première séance de cinéma.

Le 20.08,  je tente le cinéma : « Terminator 3 », avec Schwarzy  et par miracle, je comprends les dialogues à 90 pour 100 !

Chaque jour passé améliore ma compréhension.

 

D. BILAN A 6 MOIS

 

Je vie une renaissance. Je peux déjà affirmer trois mois après l'opération, que l'implant aura été un séisme miraculeux dans ma vie.

Chaque matin, je me réveille dans le monde des entendants.

Je me rends compte de tout ce que j'ai perdu durant toutes ces années. Nous vivons une époque formidable où l'implantation permet à de jeunes sourds de suivre une bien meilleure scolarité. Il s'en suivra une vie professionnelle épanouie et de qualité. En ce qui me concerne, j'avais renoncé à en avoir une et c'est maintenant, trop tard.

J'ai extrêmement conscience que mon implantation est une réussite exceptionnelle. Pour beaucoup d'implantés, la route semble plus longue, plus cahoteuse, mais il est certain que les résultats sont plus favorables  que des acas à plus ou moins long terme, pour nos taux de surdités.

 

E. L’EPREUVE.

8 Juin 2005 ;  j’ai  un très grave accident de voiture qui aurait pu me coûter la vie.  Je suis obligée de vivre 5 longs jours dans le silence la tête enrubannée comme une coquille d’œuf, et malgré  l’intense douleur que j’endure malgré la morphine, une seule chose me ronge alors : la partie interne de « mon précieux » a-t-elle été broyée ?

Sous morphine, clouée dans mon lit d’hôpital, scalpée, la moitié de la face défigurée, tuméfiée par l’impact, avec une vertèbre écrasée avec multiples fractures, souffrant de gros problèmes respiratoires, la cage thoracique enfoncée, je  veux quoi  avant tout ? ENTENDRE !!!!!!!!!

Je suis incapable d’avoir à renoncer à mon découverte de l’audition. C’est devenu pour moi aussi vital que d’avoir à respirer pour vivre.

Je ne veux pas faire durer plus longtemps le suspense, la partie interne de l’implant a réussi un véritable « crash-test » et n’a subi aucun dégât !!!!! C’est donc solide je l’ai involontairement prouvé.

Après avoir attendu 6 mois dont 4 mois d’alitement complet après l’opération de la colonne vertébrale, je peux enfin me déplacer à Paris pour contrôler les réglages au cas où…. Tout est O.K. et Claude va même me donner un peu plus de puissance.

J’ai eu très, très peur. J’ai fait peur à tout le monde, à ma famille, à mes amis de Saint Antoine et de l’association CISIC, et aussi mes amis de Vichy !!!! Mais je m’en tire à bon compte et cerise sur le gâteau, j’ai encore plus l’appétit d’entendre.

 

 

F. LE CAP DES 3 ANS EST PASSE. JE SUIS HEUREUSE !!!

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Avec Eric, un de mes  « parrains d’implant »

Mon rapport avec la musique

Inscription au Conservatoire de Musique :

Afin de progresser, je viens de m’inscrire au conservatoire de musique de Vichy en initiation musicale premier niveau (parmi les enfants de CP, CE1 !!!).

 

Moi, Marie-Pierre, sourde progressive depuis la petite enfance,  incapable de lire une note de musique sur une portée, je veux ma revanche et découvrir le solfège. Alors, me direz-vous, pour quelle raison faire cette démarche ambitieuse ?

Je suis issu d’une famille qui aime la musique ; ma mère pratiquait autrefois la mandoline, mon frère jouait de  la trompette, mon fils aîné également, mon fils cadet joue du hautbois depuis 8 ans, et ma fille, la benjamine , de l’alto depuis 5ans. La musique, sans que je puisse l’apprécier avant mon implantation, a toujours fait partie de mon environnement.

Ayant eu avec « mon précieux », un résultat vraiment exceptionnellement rapide et complet à tout point de vue, j’ai choisi, à l’époque comme pseudonyme pour ma deuxième famille des implantés et comme un défi à moi-même « Jaimie » (anecdote à la célèbre série américaine des années 70 sur une femme à l’audition déjà bionique). Aujourd’hui, l’apprentissage de la musique sera mon nouveau défi.

N’ayant jamais entendu la musique avant mon implantation comme un « normo entendant » l’aurait fait, je pense aujourd’hui  que c’est maintenant, ce genre d’ambition qui peut encore me faire progresser.

J’ignore encore si je me lancerai dans la pratique instrumentale, mais apprendre à «  bien » écouter, ne peut que m’être bénéfique. Cela ne peut être que positif tant pour l’audition que pour la rééducation de ma voix, par le chant des notes. Apprendre à chanter juste, un rêve pour un sourd profond vous ne trouvez pas ?

 

Ma nouvelle relation avec la musique classique :

J’assiste à des concerts de façon régulière. Je suis capable de reconnaître certains morceaux, quand je les réentends par hasard  ou quand mes enfants les rejouent à la maison avec leurs instruments.

Dans un orchestre, je distingue les différentes familles d’instruments : cordes,  bois, cuivres et percussions. Tout est bien distinct. Je peux dire aujourd’hui, que j’apprécie certaines musiques classiques mais pas  toutes. J’ai des préférences, pour tels ou tels compositeurs, mais j’ai quand même du mal à appréhender les morceaux quand ils sont trop  longs ou trop complexes, avec des règles trop strictes que mon manque de culture  musicale m’empêche de « goûter ». Dans ces cas là, ça  me demande trop  de concentration et pendant  trop longtemps pour vraiment apprécier.

Je n’arrive toujours pas à comprendre actuellement, ce que Mozart veut faire partager par sa musique. Par contre, pour Beethoven, c’est l’inverse : je lis ses sentiments dans sa musique. Mais ne souffrait il pas de surdité ?

 

Fan d’Ennio Morricone et de musiques de films :

 

J’adore aujourd’hui, la musique de film que j’identifie de suite.

Depuis très longtemps, malgré ma surdité, je suis une « grande fan » de cinéma. La surdité m’isolant petit à petit du reste du monde, je regardais à ce moment là, beaucoup la télévision. Si certains se plaignaient des rediffusions, cela n’était pas mon cas, car elles permettaient à une malentendante sévère puis profonde comme moi de boucher les trous.

La musique de film, aujourd’hui, par l’intermédiaire de mon implant, me permet d’associer le visuel avec l’audition et de développer les sentiments. Ennio Morricone savait le faire à la perfection. Sa musique amplifie en moi, la peur, la joie, la tristesse que montre en simultanée, l’image et le son. Elle me véhicule des sensations ce que je trouve extraordinaires.  Quel émerveillement !!!!!!

Autrefois déjà, ne comprenant strictement rien aux dialogues, en me concentrant sur ce que je pouvais  « percevoir » de la musique qui  me parvenait, j’arrivais à pénétrer dans un film.

Avec « mon précieux » l’immersion est totale et fabuleuse.

 

Musique de variétés : Roch Voisine, mon idole :

 

Enfant puis adolescente, ces jolies colonies de vacances que je fréquentais, et leurs moniteurs, ont mis dans ma tête, des paroles de refrains appris par cœur comme : « Santiano », « le petit âne gris », « une belle histoire »,  « l’été indien », « siffler sur la colline », « les Champs-Elysées », « la maladie d’amour ».

Aujourd’hui, je peux faire vivre les airs de mes chansons fétiches.

En 1983, j’avais vu Pierre Bachelet en concert, au sommet de son art, à Moulins avec une amie.  Je l’avais vu mais ne l’avait pas entendu. Juste après l’implantation, j’ai ressorti les 2 seuls albums que je possédais alors personnellement et à simple titre affectif ; des cds de Pierre Bachelet.

En vacances dans le Morbihan juste après mon implantation, j’ai voulu l’entendre et sa voix passa très bien avec mon précieux. Mai mon principal souvenir de vacances, cette année-là, c’est la découverte de mon bonheur et  de la joie que peux provoquait la musique dans une foule à travers  le Festival Interceltique de Lorient.

Cette année- la, j’ai fait une razzia de cds dans un magasin ; Joe Dassin, Michel Fugain, France Gall, Michel Sardou.

En comparant les interprètes, certains passaient mieux que d’autres. Question de goût musical sans doute, mais aussi de voix !!!

Aujourd’hui, après 3 ans de boulimie de découvertes d’interprètes et pour être tout à fait honnête, il faut que je vous parle d’Alain Souchon. Cet interprète est pour moi celui qui « passe le moins » avec « mon précieux ». Pour quelle raison ? Mon mari possède un album et je trouve sa voix trop monocorde, trop « éteinte » par rapport à l’orchestration. Il ne sait absolument pas faire passer ses sentiments ni vivre sa musique. Je le perçois comme quelqu’un de froid. Mais cela est peut-être arbitraire. Cela vient peut être aussi que je n’apprécie pas son genre de musique ni ses textes. En attendant, une chose est sûre : je n’irai pas le voir en concert

Retour en arrière, Février 2004 : j’entends à la radio, une chanson. Avec le bruit du moteur, je ne comprends pas les paroles mais je trouve l’air très joli. Je suppose que l’interprète est anglais car en principe, je commence à cette époque, à comprendre les paroles de la plupart des chanteurs français instantanément.

Raté !! C’est un Québécois ; Roch Voisine et il chante en Français. Zut !! Désolée pour lui, mais je ne savais pas que cette star chantait ni même, qu’il existait. Qu’il soit rassuré depuis, je sais qui il et je le reconnais lorsque que je l’entends sur les ondes.

Avril 2004 : dans une file d’attente, je reconnais cette chanson. Je demande à mon fils si je ne me trompe pas. C’est décidé, j’adore  et je vais m’offrir son album.

Avec son sublime accent Québécois, cela a été dur parfois de le comprendre, mais grâce à lui et par l’amour de sa musique, j’ai énormément progressé.

Je possède aujourd’hui des albums en anglais de lui et c’est pour moi un autre nouveau défi.

De plus, j’ai assiste cette année là, à un concert d’Hughes Aufray, à Paris, au théâtre du Gymnase, avec ma petite sœur de l’implant : Françoise H. Et nous avons « ADORE » !

C’est tout juste si nous ne sommes pas montés sur la scène. Qu’aurait il pensé alors s’il avait su que les deux énergumènes étaient des sourdes profondes miraculées par l’implant !

La cerise sur le gâteau a été pour moi de découvrir son nouveau répertoire en direct et de tout comprendre instantanément.

Je ne peux qu’encourager les implantés à faire de même : oser aller assister à des concerts et vaincre ses réticences.

J’attends aujourd’hui avec impatience, le 13.10.2006, date à laquelle, je vais assister à un concert de Roch Voisine, dans un monument de la variété française : l’Olympia. Certainement que ce sera pour moi, le grand moment de l’année 2006.  Pour moi c’est l’interprète complet puisqu’il compose certaines de ses chansons et c’est certainement celui qui me fait le plus « vivre » ses mélodies, ses textes. C’est celui qui fait passer l’émotion.

Ce qui me fait le plus plaisir aujourd’hui : entendre ma nièce, puis ma petite fille (qui sont bien- entendantes), me demander lors de l’audition d’un cd de Roch Voisine, dans la voiture en marche : « mais que dit-il ? ».

 

Mon rapport avec le monde de l’audio-visuel :

La radio :

L’émission de France Inter : 2000 ans d’histoire m’a apporté énormément côté compréhension de la parole humaine. Je suis très rapidement arrivée à 100% de compréhension de la radio, alors qu’auparavant, j’en  avais une sainte horreur, car je ne pouvais écouter le charabia qui rendait mon mari si attentif à table ! Cette bouillie incompréhensible m’énervait tellement, car elle me renvoyait mon handicap en pleine figure, que j’avais même mis la radio dans la poubelle …..

Aujourd’hui, j’écoute la radio en permanence lors des longs trajets en voiture et ni la pluie, ni les essuie-glaces, ni le bruit du moteur ne me gêne.

Le cinéma :

Avant l’implant, je m’endormais dans les grandes salles de cinéma car non seulement je ne comprenais rien et j’étais dans le noir. Hors du fait de ma surdité, j’ai toujours détesté être dans le noir   (le noir supprime le sens de la vision et on se trouve, nous les sourds, démunis).

Cela avait un effet soporifique sur moi.

Aujourd’hui, je comprends tout du tact au tact et sans aucune concentration, sans aucun effort. Et la musique posée sur les dialogues ne gêne en rien, bien au contraire, elle en est indissociable.

 

La télévision :

Tout comme pour le cinéma, la compréhension est maximale, sans effort et  sans concentration.

J’ai constaté que je mets le son pas fort du tout et mon entourage me demande fréquemment de l’augmenter. Mais, il est vrai qu’ils ne sont pas implantés eux.

C’est une petite revanche pour moi, là aussi !!

Mon rapport avec le téléphone :

C’était ma bête noir avant l’implantation. Avant le 02.07.2003, je n’avais jamais téléphoné et encore moins soutenu une conversation au téléphone

Actuellement, je peux discuter plus d’une heure sans être fatiguée et tout comprendre du tact au tact.

Ce qui m’étonne le plus est de parvenir à identifier mon interlocuteur dès ses premiers mots.

Je ne sais pas comment un entendant perçoit la voix de son interlocuteur à travers un téléphone, mais avec mon oreille électronique, la voix est la même que si la personne se tenait à mes cotés.

Je comprends tout en téléphonant dans une rue bruyante, avec mon portable et sans boucle magnétique.

Je suis capable de soutenir une conversation téléphonique et de dialoguer par clavier sur t’chat msn avec un autre interlocuteur, simultanément, sans que cela me demande le moindre effort de concentration.

Mes rapports humains :

Mes parents ont le sentiment, que vu de l’extérieur, on pourrait penser que l’implant m’a rendu plus    « intelligente ».

En tout cas, il est certain qu’il m’a rendu plus vivante. Mon entourage me dit même, que je suis devenue une hyperactive…

Je peux réagir du tact au tact et ne plus laisser les gens dire n’importe quoi.

Je ne suis plus dans ma bulle. J’ose davantage aller vers les autres et ne craint pas de relever des défis que je me lance à moi-même. J’essaie de repousser le plus loin possible mes limites. Je suis plus réceptive aux autres, car je n’ai plus à me concentrer sur la lecture labiale. Je ne suis plus épuisée, je sors d’avantage et suis bien plus intégrée socialement, car j’ai plus d’ami. Je ne suis plus dépendante des autres. Mon autonomie fait que les autres viennent plus volontiers à moi et m’invitent plus.

Plusieurs personnes que je connais depuis l’époque de ma surdité, dont Michel, mon cousin ORL, ont noté une modification positive de ma voix. C’est un peu normal car maintenant j’entends ma voix, je suis donc en mesure de la moduler, de lui donner des nuances. Certainement que ma passion pour les variétés francophones y est aussi pour quelque chose.

La vie associative :

J’ai 46 ans aujourd’hui et occuper une carrière professionnelle, moi qui me suis tant donné dans mes études d’assistante sociale, ça ne me dit vraiment plus rien.

Par contre, le désir d’aider les autres, demeure plus qu’intact. C’est en devenant bénévole auprès d’associations, que je comble ce désir.

Avant d’être implantée, j’avais peu d’amis. Depuis, ma seconde famille des implantés, m’a tant donné sur le plan du soutien pendant la période préopératoire, que je veux leur rendre.

Pour atteindre cet objectif, rien ne me semblait plus évident que d’entrer au bureau de l’association CISIC. Mon rôle pouvait être ainsi un peu plus efficace et devenait une vraie activité.

Par mon investissement associatif et diverses participations à des réunions, j’obtiens une certaine reconnaissance sociale, un peu équivalente à celle que peu procurer une vraie vie professionnelle.

Les amis :

L’implant me permet d’avoir beaucoup plus d’amis qu’auparavant car je peux maintenant entendre directement, sans lecture labiale et donc sans effort, tout naturellement, ce que l’on veut me dire. De ce fait, les liens se créent très rapidement.

Comme amis, je n’ai pas seulement que des implantés bien évidemment, mais des hommes et des femmes à qui je n’aurais jamais osé parler auparavant.

Ma surdité m’avait mis des barrières d’isolement. L’implant lui, a renversé tous les obstacles. Il a été pour moi, un merveilleux moyen d’intégration sociale.

Mes rapports avec l’implant.

L’implant a tout de suite fait partie de ma vie, à tel point que je ne saurais pas m’en passer (on l’a constaté lors de mon accident). Il m’est arrivé récemment, d’oublier de le poser pour prendre ma douche. Heureusement je me suis rendue compte qu’il était anormal que j’entende l’eau couler. Je ne l’ai donc pas mouillé.

L’implant a réveillé chez moi une « boulimie » de découvertes sonores, toutes les expériences sont les bienvenues, même celle de dîner à « l’Hard Rock Café », café très branché pour les fans de Hard Rock, au centre de Paris, où les décibels sont très élevées, produits non seulement par les multiples conversations avoisinantes, mais aussi par une pléiade d’écrans géants, représentants des concerts, comme celui   Mike Jagger vraiment déchaîné ou d’ autres qui me sont inconnus . Avec mes amis implantés de l’association CISIC : Catherine, Jean-Jacques et Françoise, on s’est demandé comment le personnel pouvait supportait un tel bruit !!!!! On a même failli leur parler de l’implant. Pourtant j’ai vraiment « adoré » et n’ai pas coupé le son de « mon précieux », car moi, j’ai un plafond qui me filtre les bruits trop forts qui parviennent à mon processeur vocal  !!!! Je suis prête à renouveler l’expérience à la première occasion. Lorsque je portais des prothèses auditives des « Acas », jamais je n’aurai osé tenter ce genre d’expérience…..

 

Lorsque je pose le contour d’implant avant de me coucher, et c’est toujours à la dernière minute, car je ne supporte pas de ne pas l’avoir,  j’ai l’impression qu’on « m’enlève un morceau de mon cerveau ».  Je l’appelle d’ailleurs « mon précieux » : cette expression indique bien l’importance que je lui accorde. Ces rapports n’ont absolument rien à voir avec mes anciens « Acas », qui m’apportaient que du bruit et non la compréhension de la parole humaine. J’étais soulagée de les poser le soir. Là je n’aime pas être sans « mon précieux ». Il est absolument indispensable à mon bonheur. J’ai fait avec lui un « mariage d’amour » et je n’accepte aucune séparation si brève soit-elle. Je me réfugie alors dans le sommeil comme cela je ne m’aperçois pas que nous sommes séparés.

Je ne considère pas l’implant comme une prothèse mais faisant parti de moi. Il est implanté en moi en quelque sorte et est une partie organique de moi-même.

 

Les réglages.

J’ai depuis mon opération environ un réglage par an et cela suffit pour me satisfaire. Lorsque je sens un manque de puissance, que ma compréhension diminue, c’est le signe que je dois revoir Claude. Je ne sais pas si j’aurai encore des réglages à ce rythme, mais on verra, j’ai encore une marge de progression.

 

Je complète régulièrement mon témoignage sur ce blog:

http://jaimiecochleaire.skyrock.com/

 

Marie-Pierre Goin, alias « Jaimie » , Creuzier-le-Vieux le 25 septembre 2006