"La relative lenteur de mon adaptation ne m'a pas vraiment gêné"

J'ai 37 ans. Je vis à Toulouse, ou je travaille comme ingénieur dans l'industrie spatiale.

Ma surdité a été détectée lorsque j'avais un peu plus de 6 ans. Il s'agissait alors d'une surdité bilatérale relativement légère,
marquée par une perte dans les aigus. Mon audition s'est ensuite dégradée régulièrement au cours du temps.

En septembre 2000, lorsque j'ai entamé le processus d'évaluation en vue de recevoir un implant, je ne percevais plus que les extrêmes graves. Ma compréhension de la parole sans l'aide de la lecture labiale était très limitée. Je ne pouvais quasiment plus utiliser le téléphone, sauf avec quelques personnes et sur des sujets convenus à l'avance.

Je n'ai jamais porté d'aides auditives, sauf pour deux tentatives d'un mois ou deux pour évaluer leur intérêt. Mais comme ma surdité a
toujours été une chute brutale à partir d'une certaine fréquence, ces aides n'amélioraient pas ma compréhension de la parole. Lors de la première tentative, il y a plus de 20 ans, ça dégradait même les choses car la technologie numérique n'existait pas encore, et elles
rajoutaient pas mal de bruit.

Je connaissais l'existence des implants cochléaires depuis des années, mais je n'aurais jamais imaginé en bénéficier. Pour moi, ils
restaient réservés à des personnes atteintes de surdité totale.
Des discussions avec l'équipe du service ORL de l'hôpital Purpan à Toulouse, en particulier le professeur O. Deguine, ainsi que divers
témoignages lus sur le web et sur des forums m'ont convaincu du contraire.

J'ai été opéré début janvier 2001, et le processeur de l'implant a été activé quatre semaines plus tard. Contrairement à certains, je
n'ai pas été capable de comprendre la parole immédiatement. Ma surdité était assez ancienne. Il a donc fallu que je réapprenne à
entendre certains sons. La relative lenteur de mon adaptation ne m'a pas vraiment gêné: Grâce aux témoignages de personnes ayant une surdité similaire sur les forums anglophones, je savais à peu près à quoi m'attendre. Et l'audition résiduelle de mon oreille non
implantée m'a toujours permis de continuer à communiquer tant bien que mal.

Ce nouvel apprentissage des sons a été une expérience merveilleuse.
Tous les jours, je percevais de nouveaux détails. D'abord le tic-tac de mon clignotant, puis celui des horloges, le chant des oiseaux, le bruit des feuilles qui tombent sur le sol en automne, et plein d'autres choses encore ... Il a aussi fallu que je m'habitue aussi
aux sons désagréables comme les froissement de papiers ou de sacs en plastique, le bruit de la chasse d'eau, ou de la vaisselle dans un évier en inox.

Très rapidement (quelques semaines), ma compréhension de la parole a commencé à s'améliorer nettement. Au début, ça se traduisait par moins de fatigue au travail en sortant de réunion - j'ai pris conscience que la lecture labiale intensive est épuisante ! Puis par la capacité de comprendre des conversations de plus en plus complexes au téléphone. J'ai pris l'habitude d'écouter la radio, d'abord pour m'entraîner, mais ensuite pour le plaisir !

Quatorze mois après l'activation de mon processeur, ma compréhension n'est pas encore parfaite, mais je sais que je continue à progresser.
Je viens juste de commencer de m'entraîner à l'écoute de l'anglais, pour l'instant sans grand succès car les phonèmes sont assez
différentes ! Mais comme c'était la même chose au début pour le français, je suis optimiste.

Marc. (Toulouse) Avril 2002